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mardi 21 mars 2017

Migration illégale : accalmie sur la façade maritime orientale mais inquiétude persistante sur la façade centrale (ARA 2017)


La décrue s’amorce. C’est ce qui ressort du rapport annuel de l’agence Frontex sur la situation des frontières extérieures de l’UE (rapport ARA 2017). Même s'il importe de modérer les choses car les frontières italiennes restent sous tension.

Aperçu global

Avec plus d'un demi-million de détections de migrants clandestins, ce chiffre reste encore nettement supérieur aux années précédentes (105.000 en 2010 et 283.000 en 2014).
Cela signifie que la pression sur les frontières extérieures de l'UE demeure exceptionnellement élevée en 2016.
Si la situation s’améliore sur le front de la Méditerranée orientale, elle reste critique sur celui de la Méditerranée centrale (pour la 3e année consécutive, le nombre de détections a dépassé 100.000).
En outre, de nombreuses organisations criminelles sont impliquées dans l’activité de passeurs de migrants clandestins.

La route de la Méditerranée orientale : une décrue amorcée

La pression migratoire aux frontières extérieures de l'UE avec la Turquie s'est réduite depuis octobre 2015.
Cette diminution est imputable aux bons résultats de l’accord EU-Turquie entré en vigueur en mars 2016. Aux frontières terrestres turco-grecques et turco-bulgares, les détections se sont élevées à plus de 6 000, soit moins qu'en 2015.
Malgré la diminution du nombre de détections à la frontière, un plus grand nombre de migrants se trouvaient dans des camps en Bulgarie.

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Une telle situation est due aux mesures plus strictes contre les migrants illégaux dans le pays, de même qu’à une action plus efficace visant à empêcher une direction des flux de migrants vers la Serbie.

La route de la Méditerranée centrale : des frontières sous pression

Les détections n'ont jamais été aussi élevées dans la région de la Méditerranée centrale : 180.000 en 2016, soit 18% de plus que l'année précédente.
Depuis 2014, le nombre de détections dans la Méditerranée centrale dépasse 100 000. Jamais auparavant les détections n'avaient été aussi élevées dans cette région.

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Cette augmentation indique que cette route fait face à une pression persistante à mesure que les migrants continuent d’affluer en Libye.
Cette pays constitue le principal pays de départ vers l'Europe, avec une présence bien établie de réseaux de passeurs. Comme les années précédentes, la plupart des migrants étaient des Africains (91% des détections sur cette route), principalement venant en Afrique de l'Ouest.


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Parallèlement, les données de l'Organisation internationale des migrations (OIM) montrent que le nombre de décès et de personnes disparues - une estimation approximative en raison de l'absence de listes de passagers et du peu de corps effectivement récupérés - est passée de 3 175 en 2015 à plus de 4 500 en 2016.
D’après Frontex, l'augmentation des décès est survenue malgré les efforts opérationnels accrus et le fait que la plupart des opérations de sauvetage ont eu lieu près ou parfois à l'intérieur des eaux territoriales libyennes.

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Par ailleurs, 96% des nouveaux arrivants interrogés dans la région de la Méditerranée centrale ont déclaré avoir utilisé les services de réseaux de contrebande pour entrer illégalement dans l'UE.
Cela suggère que la migration irrégulière via la Libye dépend entièrement des services des réseaux de contrebande.

La route de la Méditerranée occidentale : une augmentation du nombre de migrants

A l’image de la route de la Méditerranée centrale, le nombre de détections mesurées sur la route de la Méditerranée occidentale n'a jamais été aussi élevé, dépassant les 10 O00. Ce chiffre représente une augmentation de :
  • 46% par rapport à l'année précédente ;
  • 21% par rapport à 2011.

La route terrestre orientale : un segment épargné


En dépit de la longueur totale considérable de toutes les sections frontalières, les détections sur cette route ont tendance à être plus faibles que sur d'autres routes.
De plus, les migrants irréguliers qui voyagent sur cette voie ont tendance à recourir à la fraude aux visas et à la contrefaçon de cachets apposés sur les passeports, plutôt que de risquer un franchissement illégal des frontières. Les migrants sont essentiellement des Afghans et des Vietnamiens.

Des migrants essentiellement syriens, afghans, irakiens et nigériens

En ce qui concerne les nationalités, pour la 4e année consécutive, les personnes se disant ressortissantes syriennes (17% du total UE) représentaient la part la plus élevée de migrants irréguliers entrant dans l'UE en 2016.
Ils étaient suivis par les Afghans (11%), qui représentaient le deuxième plus grand nombre de franchissements illégaux de la frontière. Le nombre d'Irakiens était également notable, représentant plus de 6% des détections.

Coïncidant avec une augmentation du nombre de migrants en Méditerranée centrale et en Méditerranée occidentale, les détections de migrants africains ont atteint un niveau record : plus de 170.000 (+22% en 2015), contre une moyenne d'environ 40 000 détections entre 2009 et 2013.
Cette croissance enregistrée en 2015 est due essentiellement à un nombre élevé de détections de Nigérians (+ 71%), de Guinéens, d’Ivoiriens et de Gambiens.
Au total, en 2016, les Africains de l'Ouest représentaient plus de 100 000 détections, soit un total approximativement comparable au nombre de migrants venant du Moyen-Orient et franchissant illégalement la frontière de la Turquie.

L’aéroport Atatürk d'Istanbul : 1er dans le nombre de fraudes détectées

En 2016, plus de 7.000 personnes ont été détectées en utilisant des documents frauduleux lors de leur entrée aux frontières extérieures de l'UE. Cela représente une baisse de 16% par rapport à l'année précédente.
Toutefois, comme en 2015, le nombre de personnes détectées voyageant avec des documents frauduleux au sein de l'UE s'est avéré plus élevé qu'aux frontières extérieures (près de 11 000 signalés en 2016). En plus du trafic de migrants, la fraude documentaire est apparue comme une activité criminelle essentiellement liée à la crise migratoire.
Les documents frauduleux peuvent être utilisés ou réutilisés pour de nombreuses autres activités criminelles. Selon Frontex, cela continuera de représenter une menace importante pour la sécurité de l'UE en 2017.

Sur les 128 nationalités détectées à l'aide de documents frauduleux pour entrer illégalement dans l'UE ou dans l'espace Schengen, arrivent en tête : les Ukrainiens (1 208), les Marocains (752), les Iraniens (375), les Albanais (386) et les Irakiens 273).

Avec 620 détections, le nombre de cas de fraude documentaire détectées de voyageurs venant de l’aéroport Atatürk d'Istanbul a augmenté de 17% par rapport à 2015. Il constitue le 1er aéroport de départ le plus signalé. Le 2e est l'aéroport international de Dakar au Sénégal.

La France, 2e pays des séjours illégaux (« oversatyers »)

En 2016, les États membres ont signalé près de 500.000 détections concernant le séjour illégal, ce qui représente une tendance décroissante par rapport à 2015.
Comme les années précédentes, l'Allemagne a continué à se classer au 1er rang, ce qui fait écho à son statut de destination principale pour la plupart des migrants illégaux.
La France a suivi, en raison de son statut de pays de transit pour les migrants qui sont entrés illégalement dans l'UE avec l'intention de rejoindre le Royaume-Uni.



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Le trafic de migrants : une activité qui intéresse les organisations criminelles

Selon un rapport de l'Observatoire européen des drogues (OEDT), plus de 75% des saisies de drogues en Europe portaient sur le cannabis, le Maroc étant le principal fournisseur, même si sa production est en déclin. L'Espagne représentait environ les deux tiers de la quantité totale de résine de cannabis saisie en Europe.


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En 2016, 28 millions de cigarettes ont été saisies dans le cadre des opérations communes coordonnées par Frontex. La moitié l’ont été en Grèce.
Plus de 11 millions de cigarettes ont été saisies aux frontières orientales, environ 1,2 million sur la route des Balkans occidentaux et près de 300 000 à la frontière espagnole.

Quant aux armes, beaucoup d’entre elles sont issues des anciennes régions en conflit, comme les Balkans occidentaux (ainsi environ 800.000 armes sont en possession illégale de civils en Bosnie-Herzégovine).


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Les passeurs de l'immigration illégale demeurent une menace importante pour l'UE. Le nombre de passeurs est stable (12.023 en 2015 et 12.568 en 2016).
De nombreuses organisations criminelles sont impliquées dans l’activité de passeur en tant que principale activité criminelle.
Toutefois, selon Europol, bon nombre des organisations impliquées dans cette activité de trafic de migrants clandestins sont poly-criminelles : elles ont d'autres activités, notamment la contrefaçon de documents, la traite des êtres humains, la criminalité immobilière, le trafic de drogue, la fraude aux accises, le trafic d'armes à feu ou encore la contrefaçon.
D'autres organisations ont ajouté le trafic de migrants à leur portefeuille. Cela étant, il existe des liens ténus entre le trafic de migrants et le terrorisme.

L’expulsion : des taux toujours très bas

En 2016, les États membres ont notifié plus de 300.000 décisions de retour suite à une décision administrative ou judiciaire, ce qui représentait une augmentation de 6,5% par rapport à 2015 (même si ce chiffre doit être revu à la hausse, car des données sur les décisions n'étaient pas disponibles en Autriche, en France, aux Pays-Bas et en Suède jusqu'en avril 2016).


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Comme les années précédentes, le nombre de décisions de retour a été beaucoup plus élevé que le nombre total de retours effectifs (176.000) vers les pays non membres de l’UE. Les principaux facteurs de non-retour ont trait notamment à l'obtention de documents nécessaires auprès de ces pays non membres de l’UE.


synthèse et traduction du rapport ARA 2017 par Pierre Berthelet alias securiteinterieure.fr


A lire par ailleurs sur securiteinterieure.fr, le Dossier spécial "Crise des réfugiés" de securiteinterieure.fr




RAPPEL IMPORTANT PAR AILLEURS : l'angle retenu est celui de la sécurité, mais il convient de noter que cette crise revêt de nombreux autres aspects, humanitaires notamment (consulter à ce sujet  la charte éditoriale de securiteinterieure.fr).

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